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Les 14 infaillibles
La communauté musulmane faisait face à une importante crise d’autorité et de pouvoir aussitôt après le décès du Prophète en 632. Qui lui succèderait? Selon les Chiites qui représentent environ 20% de la communauté musulmane, le Prophète avait clairement désigné son cousin et gendre, Imam Ali b. Abi Talib comme successeur en tant que guide religieux et dirigeant. La principale preuve avancée par les Chiites en faveur de la succession d’Imam Ali est l’événement du Ghadir Khumm. Cet événement désigne le lieu où le Prophète prononça son « Sermon d’Adieu » la dernière année de sa vie en Mars 632 sur le chemin du retour du Hajj vers Médine. A un carrefour à partir duquel les pélerins se disperseraient, il présenta Imam Ali comme le « mawla » de la communauté.
Les Chiites interprètent cela comme la preuve évidente que le Prophète avait désigné Imam Ali comme successeur aussi bien dans le domaine politique que religieux, d’autant plus que le Prophète en avait reçu l’ordre selon les directives du Coran: « Ô Messager! Transmets ce qui t’a été descendu de la part de ton Seigneur. Si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son message. Et Allah te protègera des gens. » (5:67). Les Sunnites ne remettent pas en question l’événement mais ils affirment que ce n’était rien de plus qu’une admonestation aux Musulmans à accorder le respect et l’honneur dûs à son cousin et gendre, d’autant plus que ce dernier avait fait face au mécontentement et à la contrariété des gens quant à la manière dont il avait distribué le butin en revenant d’une expédition au Yémen. « Mawla » ayant plusieurs significations, nous nous devons de trouver d’autres indices, signes ou indications contextuelles (qara’in muttasilah) dans le sermon du Prophète. Le plus important qarinah est la question posée par le Prophète Muhammad aux pélerins juste avant de désigner Imam Ali comme successeur: « N’ai-je pas plus de droit sur vous que vous n’en avez sur vous-mêmes? » D’autres ont mentionné des indices extérieures (qara’in munfasilah) comme le fait que le Prophète prononça son discours en s’arrêtant en plein désert sous une chaleur torride et demanda ensuite à ceux qui étaient présents de transmettre son message à ceux qui n’étaient pas là (fal-yuballigh alshahid al-gha’ib). D’autres qara’in citent le fait qu’on félicita Imam Ali lorsque le Prophète acheva son sermon et que des poèmes ont été composés sur le champ par Hassan b. Thabit pour célébrer l’événement. ‘Allamah Amini a donné une dizaine de qara’in (intérieurs et extérieurs) relatant cet événement.
L’essence de l’Imamat peut être glanée des lettres envoyées par Imam Hussein aux gens de Kufa et de Basra. En réponse aux exhortations des habitants de Kufa après la prise de pouvoir de Yazid en 680 afin qu’il les guide et les mène à la vérité (al-haqq wa al-huda) et les débarasse du joug de la domination syrienne, il écrivit: « … qui est imam (ma al-imam) si ce n’est celui qui agit conformément au Livre (al-hakim bi al-Kitab), celui qui soutient la justice (al-qa’im bi al-qist), celui qui clame la vérité (al-da’in bi din ah-haqq) et celui qui se dévoue à (l’essence d’) Allah (al-habis nafas-hu ‘ala dhat Allah)? » Dans sa réponse aux gens de Basra, Imam Hussein revendique vivement sa place exclusive au titre d’Imam, d’avoir hérité du charisme du Prophète et de sa répugnance à scinder la communauté sur la question du pouvoir:
« Nous sommes sa famille (ahl), ceux qui possédent son autorité (awliya’), ceux à qui il l’a confiée (awsiya’) et ses héritiers (wuratha’); nous sommes plus que quiconque ceux qui ont le plus droit à sa position parmi les gens (ahaqq al-nas). Pourtant, les gens contestèrent ce droit exclusif qui nous appartenait et nous les avons laissé faire car nous détestions la dissension et désirions le bien-être [de la communauté]. Mais nous savons que nous sommes les mieux placés pour revendiquer ce droit dont nous étions les détenteurs (mustahaqq ‘alayna) que ceux qui s’en sont emparé. »
L’oeuvre que vous avez en main dépeint la vie exemplaire du Prophète, de Bibi Fatima et des Imams. De plus (et indirectement), il traite de la doctrine théologique de l’Imamat qui est centrale et cruciale dans l’Islam chiite au point qu’on pourrait dire qu’elle a influencé la totalité du Chiisme. Ces discours que nous avons retranscrits ont été donnés à Dar-es-Salam, Tanzanie durant le Ramadan 2011 par Sayed Ammar Nakshawani (docteur à l’université d’Exeter, 2011), un éminent orateur et conférencier très prisé. Il s’agit d’un érudit aux bases solides en connaissances académiques et traditionnelles de la religion en général et de l’Islam en particulier. Cela lui permet d’agir comme médiateur, interprète et/ou traducteur d’un recueil littéraire sur les Quatorze Infaillibles Guides (ma’sumin) de sources primaires en arabe ou en langage académique à une élocution qui est claire, précise et accessible au grand public. Plus important de mon point de vue est sa fervente aspiration à transformer ces parangons de vertu, des figures mythiques, des faiseurs de miracles, ou des victimes d’oppression ou d’injustice qu’ils furent en modèles pour nous aujourd’hui afin que nous puissions suivre leurs traces et avoir une vision du monde qui soit moralement, éthiquement et spirituellement saine. C’était en fait l’objectif qu’il s’était fixé lui-même au début de sa série de sermons et il l’a atteint admirablement.
Je prévois que ce genre d’oeuvres sera accueilli avec enthousiasme par les Musulmans en général et en particulier ceux vivant en Occident à la recherche d’une ligne de conduite pragmatique et cohérente. Puisque cet ouvrage s’adresse au grand public et non aux spécialistes et puisque l’auteur parle en connaisseur des traditions de la foi et des présuppositions, hypothèses et des postulats qui l’accompagnent, Dr. Nakshawani n’a fourni aucune annotation ni note de bas de page.
Qu’Allah (swt) le récompense pour ses nobles efforts à partir de la vie des ma’sumin pour en faire une ligne de conduite. Qu’Il récompense aussi le lecteur et qu’Il nous octroie à tous la capacité et l’aspiration (tawfiq) à agir selon Sa Volonté et Son Plaisir. Amen.
Dr Hamid Mawani
8 mai 2012 / Jumad al-thani
Dans le cercle théologique des Imams, les membres de la Maison du Saint Prophète (saw) sont appelés les Quatorze Infaillibles. A savoir, le Prophète (saw) luimême, sa fille Fatima (as), son gendre Ali (as), puis ses petits-fils Hassan (as) et Hussein (as) et les neuf descendants de Hussein (as): Ali b. Hussein (as), Muhammad b. Ali (as), Ja’far b. Muhammad (as), Moussa b. Ja’far (as), Ali b. Moussa (as), Muhammad b. Ali (as), Ali b. Muhammad (as), Hassan b. Ali (as) et le douzième Imam appelé al-Mahdi (ajfs).
Le principal intérêt à présenter leurs biographies est de trois ordres. La première raison est que cela nous permet de mettre en application leurs leçons dans nos vies, car, lorsque nous détaillons la vie de ces personnalités, nous devons nous demander: « Qu’est-ce qui de leur vie il ya plus de mille ans auparavant influence notre vie aujourd’hui en 2012? Quels sont leurs points de vue, leur morale, leurs principes en rapport avec mon point de vue, ma morale et mes principes aujourd’hui? Quelles sont les situations auxquelles ils ont fait face et auxquelles je pourrais faire face dans ma vie? » Lorsque nous traitons de la vie de chacun de ces guides, ça ne devrait pas être juste une présentation théorique sur leur date de naissance, ou le nombre d’enfants qu’ils ont eus ou qui ils ont épousé. Bien que ce genre d’informations est important, ce qui est également important, et ce qui devrait être vraiment important, est de présenter leur vie d’un point de vue pratique et de déterminer en quoi leur vie peut affecter la nôtre. Quelles sont les situations qu’ils ont rencontrées et que nous pourrions rencontrer aussi? Ainsi, le premier intérêt à étudier la biographie de chacun de ces quatorze infaillibles est de relier leur vie à la nôtre. Une réclamation fréquemment faite à propos des débuts de l’histoire est la suivante: « Lorsque les gens abordent la vie des quatorze infaillibles, ils ne le font pas en relation avec notre vie aujourd’hui. Nous entendons toutes ces grandes histoires mais nous ne voyons pas le rapport avec ce que nous vivons actuellement. » L’ironie, c’est que chacun de ces quatorze infaillibles, à un moment ou un autre de leur vie, ont fait face à une situation à laquelle nous ferons face dans notre vie. Ils ont fait face à une situation dans leur famille, avec leurs amis ou leurs ennemis, avec des gens de même foi ou de différente foi, qui a un lien avec nous. Ainsi, devons-nous analyser comment ils ont réagi dans pareilles situations. Après tout, si on les prend comme modèles, ce n’est pas parce qu’ils sont de la lignée du Prophète (saw); beaucoup d’autres descendaient du Prophète (saw). Mais, ces membres de la lignée du Prophète (saw) sont ceux auxquels il nous a enjoint de nous accrocher dans plusieurs de ses hadith, comme de nous accrocher au Coran. Ainsi, la première raison pour laquelle nous allons analyser leur biographie respective est que nous avons besoin de tirer autant de leçons que nous pouvons des anecdotes liées à leur vie car il n’y a pas de raison que nous tirions des leçons d’Ali b. Abi Talib (as) ou de Hussein (as) exclusivement. On doit se demander: « Quelles leçons puis-je tirer de Moussa b. ja’far (as)? Quelles leçons puis-je tirer de Muhammad al-Jawad (as)? Quelles leçons puis-je tirer de Hassan al-Askari (as)? » On a tendance dans notre communauté de se focaliser sur deux ou trois Imams parmi les infaillibles et de délaisser les autres. Cette série de sermons décrira la vie de chaque Imam avant de nous demander quelles leçons nous pouvons tirer de leur vie afin de les mettre en application dans la nôtre.
Le deuxième intérêt à étudier la biographie des quatorze infaillibles est qu’il y a quatre questions essentielles que chaque être-humain se posera dans sa vie et auxquelles ces quatorze personnages ont répondu dans leur vie. Quelles sont ces quatre questions que l’hindou se posera… que le Sikh se posera… que le Juif se posera… que le Bouddhiste se posera… que le Chrétien se posera… ou que l’athée se posera? Bref, tout un chacun se posera ces quatre questions essentielles. La première est d’ordre métaphysique, la deuxième d’ordre cosmologique, la troisième d’ordre psychologique et la dernière d’ordre éthique. Il n’est pas un êtrevivant qui, à un moment de sa vie, ne se pose ces quatre questions et il n’est pas un moment de la vie des quatorze saints auquel ils n’aient répondu à chacune d’entre elles. Quelles sont ces quatre questions?
La question métaphysique: Y a t-il une force invisible qui soit la cause du fait que nous soyons aujourd’hui? Y a t-il un Dieu ou est-ce Dame Nature? Il s’agit d’une question métaphysique qui va au-delà du monde physique vers l’invisible.
La question cosmologique: Comment a démarré l’univers? Beaucoup de gens se posent la question.
La question psychologique: Quel est mon rôle dans ce monde?
La question éthique: Comment me comporter avec les autres humains et est-ce différent selon qu’il soit de ma religion ou d’une autre?
Ces quatre questions sont les quatre plus importantes dans l’esprit de l’êtrehumain. Ainsi, la deuxième raison pour laquelle nous analysons la vie des quatorze infaillibles est de découvrir comment ils ont répondu à ces questions. Par exemple, qu’a dit Ali (as) à propos de la question métaphysique? Qu’a dit Ja’far as-Sadiq (as) à propos de la question éthique? Qu’a dit Ali b. Moussa (as) à propos de la psychologique? Qu’a dit Hassan b. Ali (as) à propos de la cosmologique? Nous voulons voir comment leur approche holistique du monde peut fournir des réponses à l’humanité au 21ème siècle, qu’il s’agisse d’un Musulman ou pas.
La troisième raison pour laquelle nous allons étudier la vie des quatorze infaillibles dans cette série est qu’en tant que Musulmans nous avons été injustes envers ces quatorze saints. En quoi? Nous les avons gardés jalousement pour nous au lieu de les partager avec les autres religions. Combien d’entre nous ont présenté la précieuse thèse médicale d’Ali b. Moussa al-Ridha (as) à la communauté sikh? Combien d’entre nous ont débattu des maximes d’Ali b. Abi Talib (as) avec un Bouddhiste? Combien d’entre nous ont analysé la bravoure de Hussein (as) en dehors de Karbala et en ont parlé à un membre de la communauté juive? Vous devez être conscients que ces quatorze infaillibles n’appartenaient pas aux Musulmans seulement mais qu’ils sont la propriété de chaque humain. Nous nous les sommes appropriés au sein de l’Islam seulement et nous avons commis une injustice à leur égard. Combien d’entre nous peuvent honnêtement dire qu’ils ont discuté des Imams avec nos frères non-musulmans? Certains diront: « Et bien, j’ai parlé d’Imam Hussein un jour à un de mes amis qui n’était pas musulman. » Demandez-leur: « Et Ja’far al-Sadiq (as)? En avez-vous parlé? Ou avezvous parlé du savoir de Muhammad al-Jawad (as) à vos amis non-musulmans? »
Lorsque les quatorze infaillibles ont été choisis comme guides pour les gens, ils étaient choisis comme guides pour l’humanité, et non juste pour l’Islam. L’Islam est apparu comme une religion permettant à l’humanité de s’épanouir et d’évoluer. Quel était le rôle des quatorze? Leur rôle était de permettre à l’homme d’évoluer et de progresser, une évolution qui a permis à chaque humain de progresser, pas seulement le Musulman. Voyez Gandhi. Dit-on « Gandhi, l’Hindou »? Ou dit-on « Gandhi, l’humaniste »? Et Martin Luther King? Est-ce qu’on dit « Martin Luther King, le Chrétien » ou « Martin Luther King, l’humaniste »? Ce qu’il faut que nous fassions à la fin de cette série de sermons, c’est de retirer les quatorze du cocon de l’Islam et de permettre au monde entier de tirer des leçons de leur vie, de leurs principes et de leur morale. La générosité, est-ce une valeur islamique ou humaine? La patience, est-ce une valeur islamique ou humaine? Le pardon, est-ce une valeur islamique ou humaine? Toutes les caractéristiques de ces Imams sont des valeurs humaines. Tout être-humain peut avoir un lien avec un être-humain patient. Nul besoin d’être Musulman pour dire que « la patience est une vertu ». Ainsi, la troisième raison pour laquelle nous analyserons la vie des prophètes est de leur permettre de retrouver leur rôle de modèle universel.
La méthode utilisée pour reconstruire cette ère de l’histoire islamique sera développée en répondant à quelques questions essentielles:
- Peut-on reconstruire l’histoire ou l’histoire est « son histoire » (his/story, en anglais)?
- Quelle est l’importance de « l’intertextualité » afin d’avoir un aperçu complet de la vie des quatorze infaillibles?
- Quelles sont les sources que nous utiliserons pour présenter la vie des quatorze infaillibles er pourquoi est-ce important d’utiliser nos sources comme celles des autres écoles de pensée en Islam?
- A propos des quatorze ou des douze masumeen, est-ce une notion inventée après que le douzième imam entra dans le ghayba (occultation) ou y a t-il des preuves concernant cette notion de douze Imams avant le douzième Imam?
- Pourquoi est-ce important aux religions de la Bible comme le Judaïsme et le Christianisme de débattre de la vie des infaillibles par rapport au chapitre de la Genèse dans la Bible?
La première question qui est soulevée quand il s’agit de discuter de la vie des infaillibles est si on peut vraiment reconstruire l’histoire de l’Islam de manière fiable. Qu’est-ce que cela veut dire? Certaines personnes contestent la reconstruction de l’histoire islamique. Quelles sont leurs objections? Les sceptiques soutiennent que nous, Musulmans, avons deux obstacles quand il s’agit de reconstruire les débuts de l’Islam, c’est à dire les trois cents premières années que nous aborderons ici, du temps du Prophète (saw) à celui du douzième Imam (ajfs). Ils disent qu’il y a deux raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas reconstruire notre histoire. La première raison invoquée, qui est très pertinente, est que tous les ouvrages de référence utilisés (et que je vais utiliser aussi) pour analyser la vie des infaillibles sont des ouvrages écrits après 300 AH. Ainsi, ils disent: « Comment pouvez-vous vous fier à des livres publiés si tard sur des gens qui étaient là si tôt? » Que veulent-ils dire? Ils soutiennent que les prémices de l’histoire islamique étaient orales et non écrites. Du temps du Prophète (saw), tout le monde racontait la vie du Prophète (saw) oralement. Les hadiths rapportent: « J’ai entendu du Prophète… J’ai vu le Prophète… » C’était toujours oral. Ils disent donc: « Vous avez écrit sur l’Islam bien tard. » Ainsi, leur première contestation à la reconstruction de l’histoire islamique est que nos sources écrites sont très tardives. « Comment pouvez-vous être sûr de vos écrits qui relatent des choses qui se sont déroulées trois cents années auparavant? Comment pouvez-vous être sûr qu’ils sont fiables? »
Leur deuxième objection est que l’histoire n’est rien d’autre que « son histoire » (celle de l’auteur). Leur protestation remet en question cette objectivité des sources qu’on aimerait utiliser. « Comment savez-vous que l’auteur n’écrit pas l’histoire de telle manière à ne promouvoir que sa théologie ou sa position politique? » Il s’agit d’un point très intéressant. Lorsque je suis auteur d’un livre d’histoire, vais-je écrire de manière objective ou vais-je écrire en ne me souciant que des gens de ma communauté? C’est pourquoi ils pensent que l’histoire est « son histoire ». Il regarde en arrière, ou il regarde celui qu’il aime et le fait apparaître comme quelqu’un d’important, lui fait dire de belles choses, le décrit comme quelqu’un de brave; et il regarde celui qu’il n’aime pas et le fait apparaître comme quelqu’un de mauvais, de faible, de négatif etc. Nous ne pouvons commencer à présenter la vie des infaillibles sans répondre à ces deux objections qui sont tout à fait pertinentes.
Prenons la première objection. Ils disent par exemple que votre livre, L’Histoire d’al-Tabari, a été écrit plus de trois cents ans après le décès de Muhammad. Ou ils disent par exemple que votre livre, le livre d’al-Baladhuri, Ansab al-Ashraf, a été écrit plus de deux cents ans après le décès du Prophète. Ou encore, ils disent qu’al-Kamil fi’l-Ta’rikh de b. Athir a été écrit des centaines d’années après le décès du Prophète. Ou ils disent que vos livres (en parlant des livres de référence chiites), tel que al-Kafi, ont été écrits trois cents ans après le décès du Prophète. A ce propos, un livre tel que Man La Yahduruhu al-Faqih a été écrit bien plus tard. La question qui se pose alors est pourquoi est-ce que ces travaux ont été rédigés si tard? Si j’utilise des livres écrits trois cents ans après Jamal, Siffin et Karbala, comment savoir si ces livres disent la vérité? Il y a un grand décalage dans le temps, n’est-ce pas? Prenons Karbala, les événements à Karbala ont eu lieu en l’an 61 après l’hégire alors que al-Tabari nous les a rapportés 250 ans plus tard. Comment être sûr qu’il les relatait exactement comme cela s’est passé? Ils disent que toutes nos sources étaient orales, les gens entendaient les uns les autres mais personne n’avait rien écrit jusque bien tard. Comment allons-nous à présent répondre à ces deux objections?
Il s’agit de quelque chose de très important qui doit être élucidé. La réponse à ces deux objections doit être bien comprise car dès lors que vous pouvez répondre à ces deux protestations, vous pouvez reconstruire l’histoire de l’Islam. La première réponse au groupe qui dit que vos livres ont été écrits tardivement, nous répondons:
1. Existe t-il « un noyau solide » de l’histoire de ces ouvrages bien qu’ils aient été écrits tardivement? Il existe un concept appelé le « noyau solide ». Que désigne le « noyau solide »? Fred Donner et Montgomery Watt disent: « Bien que vous ayez plusieurs livres publiés tardivement, il existe un noyau solide qui vous permet de dresser un portrait des prémices de l’histoire. »
Est-ce que l’événement de Saqifa est mentionné dans tous ces livres? Oui, il existe un noyau solide quant à Saqifa. De même, il y a un noyau solide concernant la Bataille de Jamal. Est-ce qu’ils parlent tous de Siffin? Oui. Est-ce qu’ils parlent tous de la Bataille de Nahrawan? Oui. Est-ce qu’ils disent que les événements de Karbala ont eu lieu? Oui. Je ne parlerai pas des motivations de l’auteur. Je regarde si j’ai un noyau solide sur quoi me baser. Car si je veux décortiquer la vie du premier Imam jusqu’au douzième, je dois m’assurer que le noyau solide dont je dispose, qu’il provienne de mon école de pensée ou d’une autre école de pensée de l’Islam, je dois m’assurer que ce noyau solide existe. Jamal a eu lieu… Siffin, Nahrawan, Karbala, Mukhtar, Abdullah b. Zubair, les Abbassides, les Omeyyades, Haroun, Ma’moun – un noyau solide existe clairement quant à ces données historiques.
2. Même si un livre a été écrit tardivement, qu’est-ce qui m’empêche de remonter la chaîne jusqu’au Prophète (saw)? Si j’écris un livre trois cents ans après le décès du Prophète (saw), je dois rencontrer quelqu’un qui est plus vieux que moi. Et je lui demande, par exemple: « Avez-vous entendu des choses à propos du Prophète (saw)? » Il répondra: « Oui, je l’ai entendu dire…. » Nous répondons donc aux contestataires: « nos auteurs nous indiquent la chaîne des narrateurs et la chaîne remonte aux premiers travaux. » ‘Abd al-Razzaq as-San’ani a écrit un livre intitulé al-Musannaf. Il s’agit d’un des tout premiers ouvrages de fiqh. Que fait as-Sanani dans ce livre? Il prend un hadith sur le fiqh et il vous donne la chaîne des narrateurs. Savez-vous pourquoi? Parce qu’il savait qu’il y aurait un jour en 2012 où quelqu’un dira: « Votre livre de fiqh est écrit tard. Comment savez-vous que Muhammad a vraiment émis cette théorie de fiqh? »
Donc, que fit as-San’ani? Il se dit: « Très bien, laissez-moi vous dire d’où je tire ce hadith. Je l’ai eu de b. Jurajj qui le reçut d’Ata qui le reçut d’Umar b. Khattab qui l’eut du Prophète (saw). » Il m’a ainsi donné la chaîne des narrateurs. Ou dans un autre hadith, il dit: « Cela vient de b. Ishaq qui l’eut de Zuhri qui l’eut de b. Zubair qui l’eut de Zubair qui le reçut du Prophète. » Juste parce qu’un livre a été écrit tardivement ne veut pas dire qu’il n’y a pas de chaîne remontant au Prophète (saw).
3. Même si au début de l’histoire, tout se transmettait à l’oral et juste parce qu’il y avait beaucoup d’échanges oraux, cela veut-il dire que personne n’écrivait à la maison? Donc, si vous dites: « L’histoire des premiers temps de l’Islam est orale », je vous réponds en disant: « D’accord! La plupart des gens racontaient oralement mais est-ce que cela veut dire que personne n’écrivait à la maison? » Il y a un article du célèbre académicien Etan Kohlberg, professeur en études islamiques à l’université de Tel Aviv, qui dit que le cinquième Imam faisait référence à un ouvrage qu’il appelait Kitab Ali. Selon lui, lorsqu’Imam al-Baqir (as) discutait d’un hadith, il se basait sur un livre appelé Kitab Ali. Cela veut dire qu’Ali b. Abi Talib écrivait chez lui bien que la plupart de ses dires étaient transmis oralement. Il existait déjà un ouvrage. Et c’est aussi pourquoi même Abdullah b. Zubair qui a vécu une soixantaine d’années après le Prophète (saw) disait toujours: « De quel ‘Sahifa’ (transcription) tirez-vous cette histoire en particulier? » On peut aller plus loin. Lorsqu’ils disent que tous vos livres d’histoire ont été écrits tardivement, je leur réponds: « Qu’est-ce qui est tôt pour vous? Donnez-moi une date qui serait assez tôt pour vous et je vous donnerai une source. » Ce qu’ils estiment être « tôt » est confus chez eux. Ils jouent de nous psychologiquement en nous disant: « Vos livres sont tardifs », je leur demande donc: « Qu’est-ce qui est tôt? Donnez-moi une date. Si je vous donne un livre de cette date, reconnaîtrez-vous que l’on peut reconstruire l’histoire de l’Islam de manière précise? »
Ainsi, nous avons répondu au premier groupe. Le second groupe est encore plus intéressant. Le second groupe dit: « L’histoire est ‘son histoire’. Comment savoir si on peut faire confiance à cet écrivain? De toute évidence, il écrira des livres louant Ali et condamnant Mu’awiya parce qu’il appartient à votre école (Shi’i). Donc, en écrivant l’histoire, il écrit ‘son histoire’. Il ne l’écrira pas comme elle devrait être écrite. » Ils donnent même deux brillants exemples pour soutenir leurs propos.
Il y a deux savants qui sont des historiens et théologiens de renommée: le premier se nomme Abu Bakr al-Baqillani et l’autre Ahmad b. Yahya al-Baladhuri. Les sceptiques disent: « Vous vous en prenez à Mu’awiya parce que tous les livres d’histoire, dites-vous, clament que Mu’awiya n’était pas quelqu’un de bien, mais les gens dont vous citez les hadiths tels que Bukhari qui disait que Mu’awiya était mauvais oeuvrait pour le gouvernement abbasside. Pensez-vous qu’un Abbasside va écrire l’histoire en disant de belles choses sur les Omeyyades? Forcément, sa tendance politique peut influencer son écriture de l’histoire. De même, al-Baqillani était un Asharite en théologie. Ainsi, lorsqu’il raconte l’histoire, ne le fera t-il pas selon son point de vue asharite? Ahmad b. Yahya alBaladhuri était le juge suprême du Mutawakkil. Etant juge suprême et abbasside, il est évident qu’il haïrait les Bani Omeyyades car les Banu Abbass avaient pris le pouvoir aux Banu Omeyyades. »
Ainsi, la deuxième école des sceptiques disent: « Vous, Musulmans, vous ne pouvez pas reconstruire l’histoire car vos auteurs écrivent l’histoire d’après leur théologie et leurs opinions politiques. Ils ne sont pas objectifs. »
Que leur répond t-on? Nous répondons en disant: 1. Si al-Baquillani, par exemple, ou al-Baladhuri (tous deux étaient Abbassides), écrit l’histoire conformément à l’école qu’il suit, cela veut dire qu’il ne peut pas louer aucun des Omeyyades car, s’il est employé par les Abbassides, on ne lui autoriserait jamais à louer les Bani Omeyyades. Pourtant, al-Baladhuri a écrit plusieurs anecdotes où il loue des gens qui étaient des califes des Bani Omeyyades. Si al-Baladhuri avait des préjugés vis à vis de l’histoire et s’il n’était pas objectif, il ne louerait pas alors les Bani Omeyyades. Mais en lisant les oeuvres d’al-Baladhuri, vous verrez clairement qu’il loue, par exemple, Umar b. Abdul Aziz. Il fut celui qui mit un terme au la’na (malédiction) prononcée à l’encontre d’Imam Ali (as) aux prières du vendredi. Il fut aussi celui qui rendit la terre de Fadak aux enfants de Bibi Fatima (as). Umar b. Abdul Aziz était un calife omeyyade. Si les historiens musulmans écrivent « leur histoire », dans ce cas, alBaladhuri ne devrait pas louer Umar b. Abdul Aziz qui était avec les Bani Omeyyades alors qu’al-Baladhuri lui-même était avec les Bani Abbass.
Nous avons beaucoup de grands historiens de l’histoire islamique qui sont objectifs. On ne doit pas ignorer les efforts de Fuat Sezgin, Harald Motzki, Hossein Modarressi, Gregor Schoeler et Behnam Sadeghi à compiler la littérature du premier siècle (en plus du second). Sezgin et Modarressi ont ouvert la voie pour récupérer des oeuvres perdus en se servant des oeuvres de « libraires-bibliophiles-savants » et en épluchant la tradition intellectuelle à travers les fragments et les critiques des premiers ouvrages et en annotant les manuscripts existants. Motzki , Schoeler et Sadeghi ont utilisé des techniques innovantes avec des recueils de hadiths qui ont précédé les troisième siècle influent afin d’identifier les rapports qui émanaient historiquement des Compagnons et de leurs souvenirs du Prophète. Quand ils devaient louer leurs alliés, ils les louaient mais quand ils devaient louer leurs adversaires, ils les louaient aussi. 2. Qu’est-ce qui vous fait croire que ces gens avaient une idéologie fixe à l’époque? Ils disent: « Certains de ces érudits avaient déjà un parti-pris et ils n’étaient donc pas objectifs. » Mais qui leur a dit qu’ils avaient un parti-pris? Beaucoup d’entre eux essayaient toujours de comprendre comment l’Islam s’était développé. Il n’y avait pas de prototype en tant que tel, comme, un adepte des Ahl us-Sunnah (école de pensée sunnite). C’était plutôt quelqu’un qui était Ashari en théologie et suivait Abu Hanifa en fiqh (jurisprudence islamique). Peut-on parler de quelqu’un ayant un parti-pris? Non! En théologie, il suit un savant religieux et en fiqh, il suit un autre.
En d’autres termes, que débattons-nous? Nous disons que lorsque quelqu’un proteste en disant que l’histoire est « son histoire », nous répondons: « oui, il peut arriver que les convictions d’une personne influencent la manière dont elle écrit l’histoire mais la plupart de nos historiens sont objectifs. »
Cela m’amène à discuter de la méthodologie suivante qui est essentielle lorqu’on reconstitue l’histoire islamique: Si nous n’utilisons que des sources historiques pour analyser la biographie des quatorze infaillibles, nous nous retrouverons dans une discussion qui sera pauvre. Ils continueront à répliquer: « …mais c’est un livre d’histoire et on ne peut pas se fier à l’histoire, et l’histoire n’est que l’écriture de ‘son histoire' ».
Savez-vous donc quelle théorie nous allons utiliser pour analyser ces biographies? Nous utiliserons la théorie de « l’intertextualité ». Pourquoi devrais-je discuter de la vie des Imams qu’en me basant sur des sources historiques? Pourquoi ne pas utiliser les différents genres de la littérature islamique? Julia Kristeva est celle qui a initié la théorie de l’intertextualité. Elle dit: « Lorsque vous voulez débattre d’une personne en particulier dans l’histoire ou d’une nation en particulier, ne le faites pas à partir d’un seul genre littéraire. Utilisez les différents genres de littérature et parlez-en; ainsi, vous accéderez à différents codes de connaissance émanant de différentes aires de littérature. » Que veut dire cela?
J’entends par là: pourquoi devrais-je me concentrer sur l’histoire seulement? Pourquoi ne pas utiliser aussi les oeuvres de jurisprudence, connus comme oeuvres de fiqh? Et pourquoi ne pas utiliser les oeuvres de théologie, connus comme oeuvres de kalam? Et pourquoi ne pas utiliser les oeuvres de belles-lettres, de litérature arabe, qu’on appelle oeuvres d’adab? Si je veux éplucher la vie de Ja’far as-Sadiq (as), je n’ai pas besoin de ne regarder que l’histoire. Si je ne regarde que des livres d’histoire pour Ja’far as-Sadiq (as), quelqu’un viendra me voir et dira: « … mais cet historien favorise Ja’far asSadiq. » Je dis donc: « D’accord! Je n’utiliserai pas que des livres d’histoire. Je regarderai tous les livres d’histoire sur Ja’far as-Sadiq (as), et les ouvrages de fiqh mentionnant Ja’far as-Sadiq (as) et les oeuvres de théologie sur Ja’far as-Sadiq (as) et les oeuvres d’adab et de littérature arabe en lien avec Ja’far as-Sadiq (as). » D’après vous, est-ce que cela ne donnera pas une image plus holistique de Ja’far as-Sadiq (as)?
Beaucoup de gens qui analysent la vie des Imams, que font-ils? Ils ne se basent que sur les livres d’histoire pour s’entendre dire: « Oui mais en quoi ce livre est-il fiable? » C’est pourquoi nous allons utiliser différents genres de littérature. Mais on pourrait encore me demander: « Et pourquoi différents genres de littérature? » Le genre historique me livrera un récit; fiqh me montrera jusqu’à quel point ils ont contribué au système juridique de la religion. Si je prends un vieux livre de jurisprudence, je vous montrerai en quoi Muhammad al-Baqir (as) se distingue des autres autour de lui. Si je ne me concentre que sur un livre d’histoire, je ne verrai Muhammad al-Baqir (as) qu’en termes de famille, femme, enfant et guerres menées. Si je prends un livre de fiqh, je pourrai vous montrer la connaissance juridique de Muhammad al-Baqir (as) dans le domaine du salat, sawm, zakat, hajj, khums etc. Mais, je ne m’arrêterai pas là. Voyons Muhammad al-Baqir (as) d’un point de vue théologique: analysons ses sermons sur la prédestination et le libre-arbitre. Analysons ses sermons sur l’importance de la Grâce Divine vis à vis de l’humanité. Analysons ses sermons sur les questions théologiques concernat le péché et les différents types de péché.
Vous voyez? J’ai Muhammad al-Baqir (as) d’un point de vue historique; j’ai Muhammad al-Baqir (as) au niveau du fiqh; j’ai Muhammad al-Baqir (as) par rapport à la théologie; mais ce n’est pas fini. Je verrai aussi Muhammad al-Baqir (as) dans la littérature arabe. Voyons aussi l’éloquence d’Amir al-Mu’minin dans la littérature arabe: le khutba (sermon) d’Imam Ali (as) où il n’utilise pas la lettre « alif » une seule fois. Ou le khutba d’Imam Ali (as) lorsqu’on lui demanda: « Pouvez-vous faire un discours sans utiliser aucune des lettres de l’alphabet arabe contenant un point? » Il délivra un sermon complet sans utiliser une seule lettre à point. Si je n’utilise qu’un livre d’histoire, on dira juste d’Ali b. Abi Talib que c’était une figure historique. Laissez-moi vous montrer Ali (as) d’après l’histoire, Ali (as) et le fiqh, Ali (as) en théologie, Ali (as) dans la littérature arabe. Vous verrez alors pourquoi ils se distinguent des autres qui les entouraient.
A présent, si on me demande quelles sont les sources que je vais utiliser, voici les sources auxquelles j’aurais recours pour analyser les biographies:
En histoire, j’utiliserai les oeuvres d’al-Baladhuri, al-Tabari, b. Athir, Ya’qubi, et Ma’sudi. Ce seront mes historiens.
En théologie, j’utiliserai les oeuvres de Sheik al-Mufid, Sharif al-Murtadha, alTawhidi, Qadhi Abdul Jabbar et Qadhi al-Nu’man.
En fiqh, j’utiliserai les oeuvres d’al-Fiqh al-Akbar d’Abu Hanifa, Kital al-Umm d’Imam al-Shafa’i, Muwwata de Malik et les oeuvres de juristes plus récents tels qu’alJassas et je prendrai même des bribes d’al-Bukhari et de Muslim al-Nasa’i.
En littérature arabe, nous nous reférerons à al-Jahiz et Abu Hayyan al-Tawhidi.
Nous avons donc quatre genre de littérature pour examiner quatorze êtrehumains. En plus de ces sources, je citerai aussi les oeuvres d’Abu al-Faraj al-Isfahani telles que Maqatil al-Talibiyyin, Kitab al-Aghani; les oeuvres d’historiens plus récents et de spécialistes académiques comme Aqqad, Tushtari, Lawasani et Amin.
Nous verrons toutes ces oeuvres et nous ne nous contenterons pas des ouvrages d’histoire, mais nous utiliserons la théorie de l’intertextualité. Voyons comment ces textes, en interagissant, fournissent l’image holistique qu’est le membre de la famille du Prophète (saw).
Toutefois une autre question se pose depuis le début et il s’agit d’une question intéressante: « Donnez-moi la référence d’une narration qui dit que le Prophète (saw) a parlé de ces douze personnes avant que votre Mahdi n’entre en occultation. »
Pourquoi? Parce qu’il y a une théorie qui se répand selon laquelle les infaillibles est un concept concocté après Mahdi. Ils gagnent un point ici dans ce domaine en particulier car il n’est pas facile de trouver un récit où le Prophète (saw) dit: « Il y a douze Imams après moi » en les nommant. On pourrait citer al-Kafi, mais al-Kafi a été écrit après l’occultation. On pourrait citer Man la Yahduruhu al-Faqih, mais ce dernier a aussi été écrit après l’occultation. Wasa’il ush-Shia, Bihar ul-Anwar, tous ont été écrit après l’occultation.
Ils disent: « Vous voulez discuter des douze Imams après le Prophète (saw) mais vous n’avez même pas un récit datant de son époque où il les mentionnerait. Toutes les narrations les concernant nous sont parvenus pour ainsi dire après qu’ils soient tous décédés. Pourquoi ne devrons-nous pas soupçonner que quelqu’un est venu plus tard et a mis en place une théorie en prenant le nombre de douze et en disant: « Le Prophète (saw) a dit de suivre ces douze-là »?
Vous pouvez appeler bien des savants religieux et jouer l’avocat du diable en leur demandant: « Mawlana, pouvez-vous nous montrer un hadith où le Prophète (saw) dit ‘Voici les douze après moi et voici leurs noms’, et pouvez-nous montrer un hadith d’un livre qui n’a pas été écrit après l’occultation mais de leur vivant? » Dès lors que vous avez répondu à cette question, vous pouvez avancer dans la discussion et je peux vous dire que ce n’est pas une question facile à répondre car beaucoup vous diront: « Où est le hadith sur les Masumeen? Il s’agit d’un hadith bien tardif. »
Si! Il existe bien une chaîne de narration qui remonte au Prophète (saw) et bien que nous ayons des chaînes remontant à lui, nous n’avons besoin que d’un simple argument qui est le suivant: Nous avons des références que l’on peut énumérer pour souligner pourquoi nous devons discuter de ces quatorze ou ces douze infaillibles.
1. La première référence est l’oeuvre d’al-Bukhari, auteur du célèbre Sahih. Il a vécu en 196 de l’hégire jusqu’au milieu du troisième siècle. Dans le Sahih al-Bukhari, il mentionne clairement: « le Prophète dit: « Après moi, il y aura douze califes; tous descendants des Koraichites.' » Nous avons déjà le nombre douze, n’est-ce pas? Mais estce que Bukhari a écrit le Sahih avant ou après le douzième Imam? Avant! C’était le début du troisième siècle, avant donc l’époque du douzième Imam (ajfs).
2. Le sixième Imam disposait de quatre cents usul. Ses disciples écrivaient ses hadiths. De ces quatre cents usul, il n’en reste plus que seize. Il existe un article à propos de ces usuls écrit par Etan Kohlberg, professeur en études islamiques à l’université de Tel Aviv.
Il a écrit à propos de ces usul de Ja’far as-Sadiq et ce qu’il en reste. Beaucoup de ces hadiths ont été brûlés ou retirés. Il n’en reste plus que seize et ils sont en Iran. Ainsi, le manuscrit de ces seize usul existe encore. Parmi ces seize, il y en a un qui est vital et dont nous disposons encore aujourd’hui. Le manuscrit s’appelle al-Asl Abu Saeed alAsfari. Il a vécu du temps d’Imam as-Sadiq (as). Abu Saeed a écrit: « Le Prophète (saw) dit: ‘Il y a douze successeurs après moi…' » et il les a nommés Imam après Imam.
3. Le grand compagnon des Ahlulbayt (as), Fadl b. Shadhan, a écrit un livre intitulé Kitab al-Ghayba. Fadl b. Shadhan, d’après certains, était un compagnon du huitième, neuvième, dixième et onzième Imam. Fadl b. Shadhan a un hadith selon lequel le Prophète (saw) mentionne le nom de chacun des douze Imams. Fadl b. Shadhan a vécu avant l’apparition du douzième Imam. S’il avait vécu après, on aurait pu croire qu’il avait inventé les noms.
4. Enfin, il y a un chef Zaydi. De nos frères Zaydi au Yémen, un de leurs grands chefs était Qasim al-Rassi. Il a écrit un livre intitulé al-Rad ala ar-Rafidha qui veut dire « Une réponse à ceux qui rejettent » (une allusion aux adeptes de l’école de pensée Imamiyya). Dans ce livre, il parle de notre neuvième Imam. Il dit: « Et certains de leurs Imams, selon eux, savaient tout sur la foi et le fait de guider dès leur enfance… » Al-Rassi vivait du temps du neuvième Imam. Il ne dit pas: « Muhammad al-Jawad… » mais l’appelle « l’Imam des Rafidha… » prouvant que le concept d’Imam n’a pas été créé après le douzième Imam. Ce concept existait déjà avant.
Ce n’est pas un concept facile à appréhender mais sachez que ces documents sont essentiels pour montrer qu’on discutait déjà des douze infaillibles du temps des Imams.
Devons-nous être les seuls, en tant que Musulmans, à analyser l’histoire? Non. Dans la Bible, le chapitre de la Genèse a un verset fondamental qui souligne le fait que Dieu a toujours promis à l’être humain que son message sera répandu pendant une certaine lignée.
Il est écrit dans la Genèse, Chapitre 17, versets 18-20: lorsque Sarah ne pouvait donner d’enfants à Abraham, elle lui dit: « Epouse ma servante, Agar. » Agar donna alors naissance à Isma’il. Cet épisode est mentionné dans la Bible dans le chapitre de la Genèse. Quand elle donne naissance à Isma’il, la Bible dit: « … elle donna naissance à un bébé et de l’eau se mit à jaillir. » Puis, il est dit: « Dieu Dit à Abraham: ‘Je bénis ‘Isma’il et Je le ferai croître et multiplier très abondamment. Il sera le père de douze princes et Je ferai de lui une grande nation.' »
En d’autres termes, lorsque nous anlyserons la biographie des infaillibles, sachez qu’il ne s’agit pas d’une analyse islamique ou Imamiyya seulement, il s’agit d’une analyse dont chacun de vous a la responsabilité de répandre à vos frères non-Musulmans en disant que Dieu a promis douze princes et une grande nation de la lignée du Prophète Isma’il (as).
Discours et sermons du
Dr. Sayed Ammar NAKSHAWANI
Ô mon Dieu, prie sur Muhammad et la famille de Muhammad